Angela Davis: " Obama peut apprendre du Brésil quant au rapprochement 
avec l'Afrique"

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Par guyzoducamer
jeudi 13 août 2009

Traduit du Portugais par Guy Everard Mbarga

À 65 ans, Angela Davis continue de démontrer pourquoi elle est 
devenue une icone du mouvement noir nord-américain dans les années 
70. Quelques minutes de conversation avec celle qui est aujourd'hui 
chercheuse et professeure de l'Université de Californie à Santa Cruz 
(USA) suffisent pour percevoir sa facilité à exposer, dans un langage 
clair, les lignes d'un raisonnement complexe, fruit de la profondeur 
caractéristique de sa production académique. Un exemple, quand elle 
explique la vision qu'elle a du féminisme, au-delà du combat des 
sexes. La jeune activiste de jadis continue également à fasciner la jeunesse.

Les jeunes ont d'ailleurs été le public le plus constant au cours des 
conférences qu'elle a tenu la semaine dernière à Salvador, en tant 
qu'invitée de la '12ème Édition de la Fabrique d'Idées (XIIè Edição 
da Fábrica de Ideias'), un programme annuel qu'accueil le Centre des 
Études Afro-Orientales de l'Université Fédérale de Bahia (Centro de 
Estudos Afro-Orientais da Universidade Federal da Bahia - Ceao/Ufba ).

Coordonné par la docteure en sociologie Ângela Figueiredo et par le 
docteur en anthropologie Lívio Sansone, la Fábrica offre une 
formation aux jeunes chercheurs faisant des études ethniques. Angela 
Davis est même en désaccord avec ceux qui ont l'habitude de dire que 
la jeunesse du monde actuel est apathique, du point de vue politique. 
Pour elle, chaque génération a sa manière propre d'agir. "Ma position 
consiste à apprendre avec les jeunes, car ce sont toujours eux qui 
provoquent les changements radicaux", affirme-t-elle.

Dans cette entrevue accordée à la reporter Cleidiana Ramos, avec 
l'aide de la traductrice Raquel Luciana de Souza, Angela Davis parle, 
entre autres sujets, des leçons que le gouvernement brésilien peut 
apporter à Barack Obama concernant une politique de plus grand 
rapprochement avec l'Afrique.

C'est la deuxième fois que vous visitez Bahia. Qu'avez-vous noté du 
point de vue de la question raciale et de genre/sexe ici ?

Angela Davis: Le mot féminisme reste assez contesté, comme c'est 
également le cas aux États-Unis. Mais, j'ai découvert des femmes 
activistes qui réalisent un travail assez similaire. Dans ce sens 
donc, je ne fais pas la différence dans la manière dont une personne 
s'identifie. Il y a des femmes qui travaillent sur ces questions de 
violence contre la femme, en assistant les victimes de cette violence 
et en même temps, en pensant à des moyens d'éradiquer un phénomène 
qui est une pandémie dans le monde entier. Ce sont des questions, 
selon moi, qui dépassent les frontières nationales. Je crois que les 
activistes aux États-Unis peuvent apprendre beaucoup des activistes 
ici au Brésil.

À quoi attribuez-vous la résistance au mot féminisme ?

Angela Davis: Cette résistance au mot féminisme existe car cela 
présuppose que l'on adopte des positions futiles. Il y a des 
positions anti-masculines, anti-homme. Quand des féministes blanches 
ont formulé pour la première fois cette notion de droits des femmes, 
elles ne portaient attention qu'à la question de sexe, mais ne le 
faisaient pas pour les questions de race et de classe. Et dans ce 
processus, elles ont racialisé le genre comme étant blanc et ont 
situé une question de race comme une question de classe bourgeoise, 
mais les féministes noires ont soutenu l'idée selon laquelle on ne 
peut pas considérer le genre/sexe sans également considérer la 
question de race, la question de classe et la question de sexualité. 
Ce qui signifie donc que les femmes doivent s'engager à combattre le 
racisme et lutter autant pour les femmes que pour les hommes.

C'est une vision bien différente de celle que la majorité des gens 
ont du féminisme.

Angela Davis: Le type de féminisme auquel j'adhère n'est pas un 
féminisme qui divise. . C'est un féminisme qui cherche l'intégration. 
Mais comme je l'ai dit plus haut, je suis plus préoccupée par le 
travail que les gens réalisent et le résultat qu'ils atteignent que 
par le fait de savoir si ses gens s'appellent des féministes ou non. 
Une grande partie du travail historique a permis de découvrir des 
traditions et des héritages féministes de femmes qui ne se sont 
jamais appelés des féministes, mais on les classe dans une tradition 
féministe. J'ai déjà vu des travaux qui parlent de Lélia Gonzalez au 
Brésil comme d'une féministe et je ne sais pas si elle se considérait 
ainsi. Il y a également des femmes contemporaines comme Benedita da 
Silva. Je ne sais pas si elle s'identifie comme une féministe.

Pensez-vous écrire quelque chose sur vos impressions par rapport à Bahia?

Angela Davis: Je pense que oui. Mais je devrais revenir ici et passer 
un peu plus de temps à faire une recherche substantielle. Je suis 
très impressionné par l'activisme des femmes à Salvador et dans 
l'ensemble, c'est un endroit merveilleux.

A Cidade das Mulheres, de Ruth Landes, travail réalisé dans les 
années 30, traite du pouvoir féminin dans le candomblé de Bahia.

Angela Davis: Ici au Brésil, le pouvoir que les femmes exercent est 
une base très puissante pour le pouvoir féministe au Brésil. J'ai 
écrit un livre, (Blues Legacies and Black Feminism: Gertrude "Ma" 
Rainey, Bessie Smith, and Billie Holiday), et mon argumentation est 
que les femmes du blues, au cours des années 20, ont contribué à 
forger un féminisme de la classe ouvrière.

Les États-Unis ont élu pour la première fois un président noir. 
Passés les six premiers mois du gouvernement Obama, que pensez-vous 
de ses actions?

Angela Davis: Il a réalisé de bonnes choses et quelques-unes 
mauvaises. Ma position par rapport à Obama n'a jamais été de 
présupposer qu'un homme seul, indépendamment de sa race et de sa 
classe puisse sauver un pays ou le monde.

Ce qui fut assez enthousiasmant par rapport à son élection, c'est 
qu'elle nous en a appris sur le pays. Le fait que tant de personnes 
aient été prédisposées à voter pour lui nous dit qu'il y a eu des 
progrès. C'est clair que le fait qu'il était opposé au parti de 
George Bush a plutôt arrangé les choses. Le deuxième point, c'est que 
Obama s'est présenté comme quelqu'un de lié à une tradition de lutte 
noire. Il s'identifie au mouvement des droits civils, avec des 
figures comme Martin Luther King. Un homme noir qui aurait eu une 
politique conservatrice n'aurait pas fait la différence en nous 
faisant bien réfléchir sur là où nous sommes aujourd'hui. Le 
troisième point et probablement le plus important, c'est que Obama a 
été élu, car les jeunes ont créé ce mouvement de masse.

C'est là un aspect bien intéressant sur la victoire d'Obama.

Angela Davis: L'élection d'Obama nous a transmis ce qui se passait en 
termes d'organisation d'une jeunesse avec un mouvement de base. 
C'étaient des jeunes noirs, blancs, latinos, indigènes. Mon espoir 
réside dans la capacité de ce mouvement de suivre la bonne direction. 
D'autre part, Obama n'a pas pris les bonnes décisions, comme sur la 
question du maintien des troupes militaires en Afghanistan.

Le gouvernement brésilien a adopté une politique de rapprochement 
avec les pays africains. Il y a un grand espoir que le gouvernement 
Obama puisse en faire de même. Cet espoir peut-il selon-vous se confirmer?

Angela Davis: Obama a pris une bonne décision de visiter l'Afrique. 
Il a visité le Ghana. Cela prouve que sa visite n'était pas seulement 
fonction de ses origines, mais qu'elle servait également pour 
discuter de problèmes sérieux. En ce qui concerne les relations entre 
les États-Unis et l'Afrique, principalement sur la question 
historique, la visite d'Obama au Fort de Cape Coast au Ghana et à la 
porte du non retour. C'était très important que les États-Unis voient 
cela. Les afro-américains connaissent déjà ces endroits. Ils voyagent 
au Sénégal, à Cape Coast, mais c'était la première fois que cette 
connexion historique entre les États-Unis et l'Afrique était mise en 
évidence. Cela a favorisé une discussion sur le rôle de l'esclavage. 
Par la suite, il y a par exemple eu des reportages sur la plantation 
ou un bisaïeul de Michelle Obama fut esclave.

Les questions historiques ont pris de l'importance.

Angela Davis: Ces questions historiques sont importantes. Mais ce que 
je trouve très difficile pour Obama, c'est de reconnaitre les 
dommages abominables que le capitalisme a causé à l'Afrique. Les 
politiques d'ajustements structurels du FMI et de la Banque Mondiale 
ont fait que de nombreux pays africains détournent les ressources des 
services sociaux vers les secteurs lucratifs de l'économie. Je pense 
que c'est un point qui doit être abordé. Je sais que le Brésil a une 
position plus progressiste par rapport à l'Afrique. Alors, 
probablement quand Obama visitera le Brésil, il pourra apprendre 
quelques leçons. Quand cela arrivera, nous serons extrêmement 
heureux, car nous avions eu très honte quand le président George Bush 
est venu et a dit : "Je ne savais pas qu'il y avait des noirs au Brésil".

Que pensez-vous des actions affirmatives au Brésil?

Angela Davis: Je n'ai pas suivi ce débat avec rigueur. Mais, au cours 
de ma première visite au Brésil, en 1997, sous le gouvernement de 
Fernando Henrique Cardoso, les gens commençaient à peine à 
reconnaitre que le Brésil n'était pas une démocratie raciale. Les 
actions affirmatives restent très attaquées aux États-Unis, mais 
elles ont été responsables de l'intégration des plusieurs 
institutions dans des lieux, par exemple, comme en Afrique du Sud. Je 
sais qu'ici au Brésil, je sais qu'elles opèrent dans les Universités. 
Les actions affirmatives sont un instrument très important. Le 
discours aux États-Unis a changé. Au lieu de parler des actions 
affirmatives, on parle maintenant de la diversité, ce qui est 
problématique. L'administration Bush fut l'administration la plus 
diversifiée dans l'histoire des États-Unis avant celle d'Obama. Mais 
il a placé des noirs et des latinos conservateurs dans son 
gouvernement. Cette diversité a été définie comme la différence qui 
ne fait pas différence.

À quel moment fut implantée la politique d'actions affirmatives aux États-Unis?

Angela Davis: En 1977, nous avons connu le premier challenge 
juridique posé aux actions affirmatives. Cela s'est passé dans un cas 
soulevé par un homme blanc qui n'avait pas été admis à l'Université 
de Californie et depuis lors, il y a eu plusieurs autres processus 
judiciaires menés par des blancs qui affirment être victimes d'un 
racisme à rebours.

Au Brésil, le STF s'apprête à juger de la constitutionalité des 
quotas suite à une demande du DEM.

Angela Davis: Selon moi, il faut défier les présupposés du fait que 
ce cas ne traite que des hommes blancs en tant qu'individus et les 
femmes noires en tant qu'individus qui se battent là-bas pour un 
emploi. Les actions affirmatives n'ont jamais été conçues pour aider 
des individus, malgré le fait que les individus en bénéficient. 
L'idée est de soutenir une communauté entière. Il s'agit d'une 
population qui a été l'objet d'une discrimination. Autant au 
États-Unis qu'au Brésil, les séquelles de l'esclavage restent 
présentes. L'esclavage n'est pas seulement quelque chose de présent 
dans la passé. Il existe dans notre monde présent, avec toute la 
pauvreté, l'analphabétisme. Les actions affirmatives sont un premier 
pas dans l'optique d'aborder les questions d'esclavage, de 
colonisation. On oublie tout cela. Il semble qu'il n y a que deux 
personnes qui existent: un homme blanc et un homme noir, ou un homme 
blanc et une femme noire.

Vous appartenez à une génération très politisée. Comment voyez-vous 
l'action politique de la jeunesse du monde actuel?

Angela Davis: Je suis très enthousiasmée. Je ne suis pas le genre de 
personne qui aime se reposer sur les lauriers de ma génération. Je 
sais que chaque génération ouvre une nouvelle piste. Très souvent, 
les gens qui se sont engagés dans les mouvements présupposent que 
chaque génération doit faire les choses de la même manière. Ma 
position consiste à apprendre avec les jeunes, car ceux sont toujours 
eux qui provoquent les changements radicaux. Une grande partie de mon 
activisme est contre le complexe industriel carcéral. C'est un 
mouvement en grande partie constitué par des jeunes qui utilisent des 
méthodes différentes. Ils utilisent des représentations 
culturalistes, comme la musique et utilisent des nouvelles formes de 
communication, comme facebook. J'apprends beaucoup de cette manière.

C'est donc un mouvement intéressant.

Angela Davis: Je suis heureuse qu'ils aient réalisé cela, car le 
terrain se transforme pour que de nouvelles idées puissent se 
développer, en étendant nos connaissances sur les possibilités pour 
la liberté. C'est pourquoi je pense qu'il est si important de porter 
attention aux jeunes. Je ne crois pas ceux qui disent que les jeunes 
sont apathiques, qu'ils ne font rien. On doit accompagner ce 
mouvement, de telle sorte que ces notions de liberté se répandent et 
deviennent plus inclusives, car je ne pense pas que nous arriverons à 
un point où on pourra dire "voici la liberté, nous avons atteint le 
sommet de la montagne et nous pouvons cesser de nous battre". Je 
pense que ce sera une lutte sans fin et les victoires que nous 
conquérons nous permettre d'imaginer de nouvelles libertés. Le 
discours de Martin Luther King, connu sous le nom J'ai fait un rêve, 
parle d'atteindre le sommet de la montagne. Il n'a jamais dit ce 
qu'on voit en arrivant au sommet de la montagne. Je pense donc que 
chaque génération va créer de nouvelles imaginations de ce que 
signifie être libre.

Source: Entrevue publiée sur le site A Tarde Online (www.atardeonline.com.br)

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